On ne remerciera jamais assez Capcom pour avoir
eu la brillante idée de distribuer Phoenix Wright en occident. Trop
longtemps réservée aux seuls joueurs japonais, la série des Gyakuten
Saiban profite donc de son arrivée sur DS pour prouver aux plus
sceptiques d'entre nous que cette incroyable simulation d'avocat a de
l'avenir, même en Europe. Après un premier opus monumental, Phoenix
Wright est enfin de retour dans un deuxième épisode, certes moins
surprenant que son aîné, mais tout aussi indispensable.Les douze mois écoulés depuis la sortie du premier Phoenix Wright
ont dû largement vous suffire pour faire le tour de ce premier volet
mémorable à tous points de vue. Si ce n'est pas le cas, je ne saurais
trop vous conseiller de vous y mettre au plus vite, surtout si vous
avez l'intention de vous lancer dans Justice For All, car les liens
scénaristiques qui unissent ces deux jeux sont trop nombreux pour se
permettre de passer à côté.
Enquêtez pour collecter des preuves et des renseignements.Ce
deuxième volet nous permet donc de retrouver le sympathique Phoenix
Wright, avocat de la défense spécialisé dans les causes perdues. Un
personnage auquel il est facile de s'identifier puisque, tout comme
lui, le joueur se verra très souvent obligé d'avancer au bluff sans
forcément savoir où ses tentatives désespérées vont le mener. Le titre
faisant intervenir un très grand nombre de personnages issus du premier
opus, il est fortement recommandé de ne pas démarrer par Justice For
All sous peine de ne pas pouvoir apprécier à leur juste valeur chacune
des références évoquées. Malgré tout, les développeurs ont pris le
parti de rendre l'avocat amnésique durant le premier chapitre afin de
justifier le rappel des routines du gameplay et présenter brièvement
les anciens personnages. Mais dites-vous bien que les explications
données ne suffiront pas pour comprendre réellement d'où ils viennent
et encore moins quelle importance ils ont pour Phoenix Wright. De la
même façon, l'ombre de Benjamin Hunter qui plane constamment en
arrière-plan du scénario est un élément intéressant de l'intrigue qui
ne se révélera aucunement pertinent si vous ne l'avez pas connu dans le
premier jeu.
La défense défie l'accusation durant chaque procès.Si
le premier Phoenix Wright avait surpris beaucoup de monde lors de sa
sortie en 2006 et conquis autant de joueurs européens, c'est avant tout
grâce à l'efficacité de son système de jeu et à la qualité de son
background. Pourtant, si les jeux d'aventure textuels sont largement
répandus au Japon, la réticence des éditeurs à sortir ce genre de
titres en occident est facilement compréhensible dans le sens où le jeu
vidéo est trop souvent perçu chez nous comme quelque chose de
simplement ludique. Dans Phoenix Wright, la seule notion de gameplay
réside dans la possibilité de faire défiler les textes avec un bouton
ou à l'aide du stylet, car le véritable intérêt du soft réside dans la
lecture et l'analyse des dialogues qui défilent sans interruption du
début à la fin de la partie. Malgré un concept de base pour le moins
austère, les développeurs ont su rendre le tout véritablement
passionnant en misant sur des histoires bourrées d'humour, une style
narratif et visuel proche des mangas japonais, et un challenge exigeant
une bonne dose de réflexion. Comme prévu, ce deuxième volet reprend
cette même formule implacable avec autant de brio, et bien que l'effet
de surprise ait disparu, on ne peut que replonger avec délectation dans
l'enfer des procès surréalistes où la mauvaise foi et la démesure sont
reines.
Montrez un point précis sur le schéma pour prouver que vous avez compris.Le
soft est ainsi découpé en quatre affaires successives dont la
progression est partagée entre les phases d'enquête et de procès. Les
investigations systématiques sont nécessaires pour rencontrer les
différents acteurs de l'histoire, recueillir un maximum de
renseignements et fouiller les écrans à la recherche d'indices et de
preuves. Relativement linéaires, ces phases d'enquête s'enrichissent
d'une nouveauté intéressante, à savoir la notion de verrous-psychés.
Concrètement, lorsque vous dialoguez avec quelqu'un qui semble vous
cacher une information importante, vous pouvez maintenant essayer de le
faire craquer en lui montrant les preuves qui l'obligeront à se trahir.
La présence de Maya aux côtés de Phoenix lui permet en effet d'entrer
en possession du Magatama, un objet qui révèle les verrous-psychés
invisibles au commun des mortels, des verrous que vous devez briser
pour savoir ce que cachent vos interlocuteurs. La moindre erreur est
sanctionnée de la même manière que lorsque vous vous trompez pendant
les procès, mais en cas de succès vous verrez votre jauge de
crédibilité remonter généreusement. On constate de la même façon que
les fautes commises en salle d'audience sont maintenant pénalisées de
façon variable en fonction de leur gravité, et le seul moyen de se
rattraper est d'ouvrir un à un ces fameux verrous-psychés.
La fille de von Karma et ses accès de fureur nous font presque oublier le charme de Hunter.En
dehors de ça, les procès n'ont pas subi d'autres modifications
notables. En tant qu'avocat de la défense, votre rôle est d'intervenir
au moyen de contre-interrogatoires durant lesquels vous devez reprendre
la déposition d'un témoin et attaquer chacune de ses affirmations dans
le but de lui faire perdre pied et l'obliger à se trahir. Tout
l'intérêt du jeu réside donc dans l'art de savoir exploiter la moindre
faille pour trouver une contradiction dans un témoignage, puis appuyer
vos objections par des arguments pertinents et des preuves adéquates. A
partir de là, il est essentiel d'être complètement impliqué dans
l'histoire et de retenir chaque détail pour savoir ensuite de quelle
façon et à quel moment il est judicieux d'intervenir. D'autant que plus
le scénario est long, plus le joueur est amené à brasser des preuves et
plus il devient difficile de faire le tri. Les plans, les photos et
autres schémas à examiner sont d'ailleurs là pour tester votre suivi en
vous obligeant à indiquer des endroits précis avec le stylet pour
prouver que vous avez vraiment compris où se situait le problème.
Phoenix Wright est résolument un jeu à faire d'une traite, sans
interrompre trop longtemps un chapitre si on ne veut pas se retrouver
complètement perdu dans les ramifications de l'histoire. Le soft
comporte évidemment beaucoup de lecture, mais les textes se boivent
comme du petit lait tant il est facile de se laisser prendre au jeu.
Les verrous-psychés prouvent que votre interlocuteur cache un secret.Mais
le fond ne serait rien sans la forme, et il serait injuste de ne pas
souligner l'excellence de la narration et le style très japonais qui
donne l'impression de lire un manga intelligent et bourré d'humour. Le
caractère hautement improbable des situations renforce l'efficacité de
l'histoire et se répercute sur les attitudes des personnages animés
avec un génie évident. Le juge se révèle toujours aussi pitoyable et
facilement impressionnable malgré sa personnalité attachante, quant à
la fille du procureur Von Karma, elle connaît l'art de faire taire
l'assistance avec son fouet. Alors même si les situations sont parfois
extrêmes et qu'on retrouve bon nombre de clichés vus et revus, comme le
trentenaire distingué qui ajuste ses lunettes trois fois par seconde,
on ne résiste pas à cette galerie de personnages aux attitudes
hautement improbables. Mais c'est surtout leur évolution durant
l'avancée du procès et leur changement brutal de personnalité à mesure
que monte l'angoisse ou la colère qui font mouche auprès du joueur.
Voir les témoins passer de l'assurance hautaine à la panique totale,
sans oublier les crises d'énervement excessives, est un pur bonheur. Le
summum est atteint généralement lorsque vous parvenez à retourner le
verdict contre le témoin et que le coupable démasqué s'auto-flagelle,
au sens propre comme au figuré, dans des scènes qui évoquent quasiment
l'explosion d'un boss de fin dans un jeu d'action !
Cette pièce renferme sûrement de précieux indices.On
reprochera malgré tout à ce deuxième volet de ne pas parvenir à
surpasser son aîné, ni même de chercher à le faire puisqu'il se
contente de suivre ses traces sans s'en écarter. L'introduction des
verrous-psychés est une excellente idée mais elle ne fait qu'atténuer
la linéarité des phases d'enquête qui pèchent toujours par leur côté
passif. Par ailleurs, il offre une durée de vie un petit peu inférieure
à celle du premier volet, puisqu'il ne comporte que quatre affaires au
total dont aucune inédite. Même s'il est peu probable que l'épisode
original sorti sur GBA soit connu par beaucoup de joueurs occidentaux,
l'aventure reste relativement courte et un peu trop classique en
comparaison de ce qu'on attendait. Justice For All n'en demeure pas
moins un épisode indispensable pour ceux qui ont adoré le premier
Phoenix Wright, mais les autres auront plutôt intérêt à commencer par
le commencement. On attend maintenant avec impatience l'adaptation du
troisième épisode et surtout du quatrième qui sera lui beaucoup plus
original et spécialement conçu pour la DS.